15 mars 2020

Le coronavirus et le basculement du monde


Une chronique de Jean-Paul Marthoz


Chroniqueur au « Soir », Jean-Paul Marthoz est journaliste et essayiste.
Il milite pour les droits humains, hier au sein de Human Rights Watch, aujourd’hui
comme correspondant en Europe du Committee to Protect Journalists.


L’épidémie sonne comme un avertissement qui devrait amener nos sociétés, ceux qui les dirigent et ceux qui les composent, à s’interroger sur leur mode de fonctionnement et sur les risques qu’ils encourent à poursuivre leur « marche folle ».

Le risque est d’autant plus grand que le Covid-19 se répand alors que le monde est déjà au bord de la crise de nerfs et qu’il apparaît encore moins bien préparé à ce boomerang de la globalisation qu’en 2008, lors de la crise financière. « Au cours de cette dernière décennie, le monde est devenu plus autoritaire, nationaliste, xénophobe, unilatéraliste, anti-establishment et anti-science », constatent sombrement Thomas Wright, de la Brookings Institution, et Kurt Campbell, ex-secrétaire d’Etat adjoint de Barack Obama.

Bien plus encore que l’urgence climatique, car plus concrète, plus personnelle et plus immédiate, « cette épidémie pourrait être le premier test du mode de vie du 21e siècle, mettant à nu la fragilité cachée d’un système qui a longtemps semblé transparent », écrit Charlie Warzel dans le New York Times. Les questions fusent sur ce que l’on ne voulait pas vraiment voir : la dépendance excessive des économies européennes par rapport à la Chine ; les liens potentiels entre les nouvelles épidémies et l’urgence climatique et environnementale ; les défaillances des institutions de santé dans des Etats fragilisés ; les faiblesses des systèmes de sécurité sociale qui, dans de nombreux pays, (dont les Etats-Unis, comme le note Elie Mystal dans The Nation), risquent d’aggraver l’impact de l’épidémie et d’exacerber les tensions sociales en raison des inégalités dans l’accès aux soins.