11 avril 2022

Comment ruiner les ambitions en matière d'agroécologie, de biodiversité et de santé

Le cynisme mortifère de l’agrobusiness européen


Par Philippe Lamberts, député européen, coprésident du Groupe des Verts/ALE

 au Parlement européen et Jean-Philippe Florent, député wallon (Ecolo)




La guerre en Ukraine est une tragédie insupportable. Mais, pour l’agrobusiness, c’est surtout l’occasion unique de tuer les ambitions européennes en matière d’agroécologie, aux dépens du climat, de la biodiversité et de notre santé. La décarbonation du secteur agricole sera-t-elle la prochaine victime collatérale du drame ukrainien ?


Agiter les peurs est souvent une stratégie payante pour imposer son agenda politique. L’industrie agroalimentaire l’a bien compris : depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, elle brandit le spectre de pénuries alimentaires, pour mieux promouvoir son vieux modèle d’agriculture productiviste et polluant. Pourtant, si la baisse attendue des exportations agricoles de l’Ukraine risque bien d’avoir des conséquences catastrophiques pour les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ce n’est pas le cas pour l’Europe, largement autosuffisante sur le plan alimentaire.

Le vrai danger se situe en réalité ailleurs : dans la surdépendance de l’agriculture européenne aux énergies fossiles. En plus de l’envolée des prix du gaz et du pétrole, les agriculteurs européens subissent actuellement l’augmentation vertigineuse des coûts des engrais azotés synthétiques et de la potasse, dont plus du tiers des importations proviennent respectivement de Russie et de Biélorussie.

Dans ce contexte anxiogène, la réponse apportée par l’agrobusiness franchit allègrement le mur du comble : selon ce dernier, le seul moyen pour l’Europe de renforcer sa sécurité alimentaire serait de préserver son modèle agricole énergivore. Depuis plusieurs semaines, les géants de l’agroalimentaire mènent une offensive cynique contre le Pacte Vert européen, en prétendant qu’il conduirait à une baisse de productivité injustifiable face au risque de détresse alimentaire. Dans leur ligne de mire se trouvent notamment les futurs objectifs de réduction d’utilisation de pesticides et d’engrais synthétiques, ainsi que la promotion de l’agriculture biologique reprise dans la stratégie « De la Ferme à la Table ».


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La biodiversité est vitale pour notre sécurité alimentaire

Par un collectif de signataires

Associations et académiques wallons appellent les décideurs à maintenir les objectifs européens de maillage écologique en zones agricoles dans la future PAC et dans le Green Deal, et à en faire une opportunité de consolider l’autonomie des exploitations et notre souveraineté alimentaire pour tous.


Les principaux pays exportateurs de blé en Europe sont la France, l’Allemagne et les pays de l’Est. Or l’essentiel des jachères se trouve sous des climats méditerranéens, principalement en Espagne (38 % des jachères européennes), et dans les régions boréales (la Finlande). Autrement dit : les jachères ne sont pas localisées de manière à soulager le marché de l’exportation ! L’offensive menée à leur encontre a une autre explication : l’intérêt économique de remettre en culture des terres de second rang, dans un contexte de record de prix des matières premières agricoles qui augmente fortement leur rentabilité.

Mais il y a une autre raison, plus politique, à ce « lobby anti-jachère ». La manœuvre vise en réalité, en établissant un précédent, à affaiblir les objectifs du Green Deal en matière de biodiversité et à torpiller les nouvelles mesures de la PAC qui entreront en vigueur au 1er janvier 2023. Pour toucher les subventions publiques de la PAC, les agriculteurs devront en effet dorénavant réserver 3 à 4 % de surfaces non productives (haies, mares, jachères, bandes fleuries, talus et bords de route…) dans chaque ferme. L’objectif est de mettre en place un véritable filet de sécurité pour enrayer le déclin de la biodiversité dans les milieux agricoles. En effet, les oiseaux, les pollinisateurs, mais aussi et surtout les ennemis naturels des parasites des cultures, si utiles pour réduire la dépendance aux intrants, ont besoin de tels refuges pour survivre.

Ce n’est pas nous qui le disons, mais la Commission européenne elle-même : « La biodiversité est essentielle pour la sauvegarde de la sécurité alimentaire de l’Union comme de celle du monde (…). L’appauvrissement de la biodiversité menace nos systèmes alimentaires en mettant en péril notre sécurité alimentaire et notre nutrition. La biodiversité est également à la base de régimes alimentaires sains et nutritifs et améliore (…) la productivité agricole (…) ». (4) Et selon les auteurs du Green Deal, la préservation vitale de la biodiversité nécessite de protéger ou restaurer au moins 10 % de zones à haute diversité biologique en milieu agricole d’ici 2030. (4) Pourtant, à peine deux ans après ces déclarations, la Commission préconise de produire encore plus, au mépris d’acquis modestes et tardifs !


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Entretien avec Philippe Baret, professeur d'agronomie à l'UCLouvain

Source : dh radio