L’Allemagne a connu ces dernières années des mobilisations citoyennes d’une grande ampleur en faveur d’une gestion démocratique et soutenable de l’eau. Le Berliner Wassertisch (« Table de l’eau de Berlin ») a ainsi obtenu le départ de Veolia au terme de dix années de lutte. Récit d’une actrice de ce combat.
En 1999, le Land de Berlin est confronté au même problème financier que beaucoup d’autres villes et régions d’Europe. Il est endetté à hauteur d’environ 34,8 milliards d’euros. L’administration berlinoise n’a qu’une solution à ce problème : Berlin doit économiser et privatiser les services publics. Le Traité de Maastricht est cité comme justification à ce choix politique puisqu’il exige que les Etats membres de l’UE « consolident » leurs budgets.
Cette politique de privatisation, conduite sous couvert d’un partenariat public-privé (PPP), est imposée contre le souhait de la population. Entre 1994 et 2007, Berlin vend environ 13,7 milliards d’euros de biens publics. Aujourd’hui, la dette de la ville s’élève à 62 milliards d’euros. La politique d’alors se base sur le dogme« Le privé fait mieux que le public ». Et aucune force politique de gauche ne porte d’alternative conforme aux souhaits des citoyens qui refusent ces dérives.
Le Berliner Wasserbetriebe (BWB, société des eaux de Berlin) est cédé à 49,9 % pour 1,68 milliard d’euros par le Sénat de Berlin à Veolia et RWE. Cette privatisation partielle prend la forme d’un holding à la structure complexe, dont Veolia et RWE possèdent ensemble 49,9%, chacun à parts égales. Le contrat, dont les termes sont secrets, devait durer au moins 30 ans.
Cette transaction représenta la plus grande privatisation partielle d’un service communal de l’eau au sein de l’Union européenne. En octobre 1999, la Cour constitutionnelle de Berlin déclarait que la marge bénéficiaire de 2% prévue était inconstitutionnelle. Or, l’Etat garantissait ce profit élevé pour les entreprises privées dans ce contrat secret.