31 mai 2020

Repenser notre rapport aux animaux

Jane Goodall: «Cette pandémie, nous l’avons causée nous-mêmes»





Elle envoie des messages vidéo à son équipe sur le terrain et sur les réseaux sociaux, donne des conférences en ligne, participe à des meetings, crée des podcasts et répond à des milliers de courriels. Elle se filme aussi en train de lire certains de ses livres pour les enfants qui sont confinés, dont In the shadow of man, sur ses premières années avec les chimpanzés, car cette année marque le 60e  anniversaire du jour de son arrivée à Gombe, en Tanzanie, le 14 juillet 1960. « Avec mon équipe de communication de l’Institut Jane Goodall, je me suis créé une Jane virtuelle et je n’ai jamais été aussi occupée de ma vie », confie la célèbre primatologue Jane Goodall depuis sa maison familiale de Bournemouth, au Royaume-Uni.



Cette pandémie, nous l’avons causée nous-mêmes. Tout cela était prévisible depuis des années. C’est le résultat de notre manque de respect pour la nature et les animaux. Nous détruisons les écosystèmes, nous rassemblons les animaux et les forçons à entrer en contact plus étroit avec les humains, ce qui a pour effet le pillage des cultures lorsqu’ils doivent s’installer dans notre habitat à la recherche de nourriture. Nous chassons, tuons et mangeons des animaux sauvages, nous nous adonnons au trafic pour les vendre comme animaux de compagnie. Sur les marchés de la faune d’Asie, de nombreuses espèces de différents pays sont vendues pour la nourriture et souvent tuées sur place. Ce n’est pas seulement horriblement cruel, car les animaux sont entassés dans de minuscules cages, mais les conditions ne sont pas hygiéniques. Cela crée un environnement parfait pour que virus et bactéries se propagent d’un animal à un humain. Il existe une situation similaire sur les marchés africains, où la viande de brousse est vendue. Les conditions sont tout aussi cruelles, et généralement non hygiéniques, dans nos fermes dites industrielles, où des milliards d’animaux sont élevés dans des conditions horribles de surpopulation. Les scientifiques estiment que trois nouvelles maladies humaines sur quatre sont des zoonoses passées de l’animal à l’homme.


Si nous continuons à vivre comme nous le faisons sur cette planète, nous savons que la vie s’éteindra à un certain moment à cause de la crise climatique. Les conditions météorologiques du monde entier ont déjà été perturbées et les tempêtes, les inondations, les sécheresses ne feront qu’empirer et se multiplier. Cela arrivera si nous ne remettons pas en question notre désir dominant de développement économique illimité sur une planète aux ressources naturelles limitées. Les épidémies deviendront plus courantes, les zoonoses plus fréquentes, d’autres pandémies pourraient augmenter en nombre et en gravité. Malheureusement, de nombreux politiciens et chefs d’entreprise sont impatients de reprendre les affaires comme avant. La Terre continuera de chauffer, les glaces à fondre, le niveau des mers s’élèvera, et ainsi de suite, alors que nous continuons à détruire les forêts et à polluer l’océan. Nous sommes au milieu de la sixième grande extinction. Encore plus d’espèces vont disparaître. Nous devons nous rappeler que nous faisons partie du monde naturel et en dépendons pour notre existence.


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Entretien accordé à la Tribune de Genève