Le président philippin Rodrigo Duterte, a décidé de fermer l'île de Boracay aux touristes, parce qu'elle s'est transformée, selon lui, "en fosse septique". Les hôtels et les restaurants déversent leurs eaux usées dans la mer, et cela fait mal quand on sait que chaque année, 2 millions de touristes fréquentent les centaines d'hôtels et de restaurants de ce petit coin de paradis. Interrogé sur La Première, Jean-Michel Decroly, docteur en sciences géographiques et professeur de tourisme à l'ULB juge cette mesure "radicale. A ma connaissance ça ne s'est pas encore vu, ou très rarement. Ce qui est évidemment paradoxal dans cette affaire Boracay, c'est que l'île n'avait pas été fermée, mais la baignade y avait été interdite il y a 20 ans, en 1997, pour exactement les mêmes raisons. C'est-à-dire pour déversement d'eaux usées, et donc d'excréments dans les eaux. Vraisemblablement en raison des courants marins, ça s'accumule, ça provoque à la fois des odeurs insupportables, mais aussi ça peut engendrer des problèmes sanitaires. C'est une mesure qui traduit la crainte des autorités nationales de voir se ternir brutalement l'image d'une destination qui est très réputée".
Les habitants de l'île qui travaillent dans le secteur du tourisme redoutent cette mesure. Il y a 500 hôtels qui emploient 17.000 personnes sur cette toute petite île. Comment préserver les emplois d'une part, et l'environnement de l'autre ? "Pour moi, c'est avant tout une question de régulation" répond Jean-Michel Decroly. "Les collègues étrangers qui ont étudié le développement du tourisme à Boracay mettent en évidence l'absence, à la fois de réglementation claire par rapport à l'équipement de base en infrastructures, ne serait-ce que d'évacuation des eaux usées, et la grande difficulté des autorités locales à mettre en œuvre les quelques éléments de règles dont il dispose. Dès lors, à ce moment-là, les activités économiques, ici le tourisme, se développent sans contraintes, sans limites, et donc engendrent des externalités environnementales. Mais ça peut être aussi des externalités sociales importantes qui remettent en question l'activité elle-même. Puisque, à partir du moment où les eaux sont tellement polluées que l'odeur qu'elles dégagent est insupportable, qu'il est dangereux de s'y baigner, cela remet en question le tourisme".
"On en parle parce que ça touche le tourisme, un domaine qui nous concerne, mais de telles dégradations, on les rencontre dans de très nombreuses villes qui ont connu une croissance rapide dans les pays en voie de développement" poursuit-il.