Avenir du modèle intensif, du système de distribution et de la profession : trois questions soulevées par la crise du monde agricole
Concilier écologie et compétitivité : le challenge est de taille pour les agriculteurs français. Mais face à la prise de conscience environnementale et aux exigences de qualité, le secteur tente de se réinventer.
L'agriculture dite "intensive", qui combine fermes industrielles, élevages en batterie et intrants chimiques, a la peau dure. Ce modèle agricole domine l'Occident depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, où il fallait nourrir le peuple. On cherche alors à maximiser les rendements par rapport aux facteurs de production – la main-d'œuvre, les terres disponibles, le progrès technique. On fait donc appel aux machines et aux intrants chimiques. Et ça fonctionne : les déséquilibres alimentaires qui existent sur la planète sont en partie corrigés, les coûts de production s'amenuisent, la production et la rentabilité sont décuplées.
Mais les premières limites du système intensif commencent à se faire sentir. "On sait bien que nos pratiques font mal, témoigne Antoine Faucheux, exploitant dans le Loiret. Depuis que j'ai 14 ans, je vois mon père malade à cause des pesticides."
Privilégier le circuit court et structurer des filières vertueuses est souvent présenté comme la solution à tous les maux de la planète. Les magasins bio fleurissent dans les villes et les AMAP font le bonheur de ceux qui ne jurent que par le local. Réduire les intermédiaires entre le producteur et le consommateur final permettrait une meilleure rémunération pour l'un et un prix plus bas pour l'autre. Sauf que dans la pratique, repenser tout un système de distribution n'est pas si facile. "Moi, je me considère comme producteur de matière première, et pas comme un commerçant, tranche David Jouault, agriculteur breton. On ne peut pas être à la fois au champ et à la ville, d'autant plus lorsqu'on est en bio et que nos cultures demandent beaucoup de temps."
L'agriculteur-ouvrier, qui suit "une recette de cuisine toute faite", doit se réinventer. "En passant en agriculture de conservation, je voulais redonner du sens à mon métier, commente David Jouault. Le recours à la chimie de synthèse était devenu un automatisme, alors qu'on peut obtenir de meilleurs résultats juste en se posant les bonnes questions." L'agriculteur breton a développé sa production en combinant culture des terres et élevage : "Quand un sol commence à être épuisé, ou qu'une culture prend un mauvais tournant, je peux faire pâturer les vaches pour la jachère."