"La situation actuelle appelle à un changement de nos modes de vie. Depuis cette décision prise de tourner le dos aux voyages en avion, d’être un peu moins complice, un peu plus cohérent, je vire sobre et heureux.
Je ne prends plus l’avion depuis cet été, l’été de mes cinquante ans. Une journaliste de La Libre Belgique l’apprend, elle s’en étonne, on me demande d’en faire une tribune : la voici.
Position inconfortable. Le choix de ne plus prendre l’avion, je l’aurais souhaité discret. Dans son très beau texte La Lenteur, Kundera met en scène la figure d’un "danseur" qui fait le don généreux de son salaire à la lutte contre la faim et met au défi les autres de l’imiter : il gagne ainsi la bataille de l’image. Mais je n’ai aucun don pour la danse. Je ne mets personne au défi. Il est vrai que ne plus prendre l’avion, surtout quand on est sur les circuits académiques et qu’on exerce un mandat aux Nations unies, c’est difficile : cela oblige à des choix, et cela expose à l’incompréhension. Il n’y a pourtant rien d’héroïque dans ce changement, il n’y a rien de sacrificiel dans cette attitude, et il n’y a aucun reproche, même implicite, à celles et ceux qui pensent que pour eux, ce passage est prématuré.
Ni danse, ni jeu
Non, rien de tout cela. Je ne danse, ni ne joue. Je ne prends plus l’avion, en fait, par souci de confort, et par souci de cohérence.
Je m’explique. J’ai consacré les quinze dernières années de ma vie à la transition écologique et sociale. J’en suis venu à plusieurs constats."