Dominique Reynié est politologue, professeur à Science Po Paris. Il a publié sur sa page Facebook le texte ci-dessous, où il torpille la capitale française. Un texte qui ne peut nous empêcher de repenser à la polémique lancée par le journaliste Jean Quatremer, avec son article sur « Bruxelles pas belle ».
Néanmoins, les angles d’attaques sont très différents. Là où Bruxelles se voyait reprocher sa « saleté » et son désordre, Paris est accusée de repousser les classes moyennes de son centre par des prix prohibitifs. D’autre part, Dominique Reynié nous confie qu’il n’avait pas entendu parler de la polémique « Bruxelles pas belle », pas plus que la réplique de nos confrères de la Dernière Heure « Paris poubelle ville du monde ».
« Je connais un peu Bruxelles pour m’y être rendu souvent », raconte Dominique Reynié. « Mais je ne prétends pas avoir une connaissance scientifique de la capitale de l’Europe ». Le politologue souligne quand même qu’il est marqué par le fait que la ville est « complètement envahie par les organisations européennes », ce qu’il considère être un « rapt ». « Rapt » qu’il retrouve d’ailleurs à Paris, dans une moindre mesure et pour d’autre institutions.
« Paris n’est pas une ville »
Le texte intégral signé Dominique Reynié.
« Si j'étais le patron d'un parti « socialiste », j'interdirais à l'un de mes adhérents d'être élu maire « socialiste » d'une ville comme Paris.
Une ville saturée de multimillionnaires, à 8000€ le prix moyen du m2, où 190.000 logements ne sont jamais occupés, car résidences secondaires de grandes fortunes planétaires presque toujours absentes ; une ville d'où les classes moyennes sont exclues, après l'expulsion des ouvriers, il y a 20 ou 30 ans ; une ville où les modestes n'ont plus leur place, sinon comme employés, charriés quotidiennement par RER, des heures durant, depuis leurs lointaines banlieues, menacés d'un octroi, car « le bruit et les odeurs » de leurs voitures irritent l'oreille subtile et le nez fin des bobos installés dans un écologisme d'abondance et de proximité ; une ville qui foule au pied la loi LRU sur les logements sociaux, où le nom des immigrés et de leurs enfants ornent volontiers les plaques commémoratives ronflantes, mais se retrouvent si peu souvent, autant dire jamais, sur les boîtes à lettres des immeubles haussmanniens ; une ville devenue un immense musée de luxe, ouvert à un tourisme de déambulation de masse, où les boulevards légendaires - oui, les « boulevards », autrefois si populaires - accueillent des cafés où un brave verre de simple bordeaux se négocie entre 15 et 18€.
Une ville où les étudiants ne peuvent plus vivre, étudier, oui, mais vivre, non, le prix d'un studio (lisez « placard à balais ») oscillant désormais entre 600 et 800 € par mois, avec 3 ou 6 mois de caution et la garantie des parents, grands-parents et arrières grands-parents, et jusqu'à la dixième génération ; une ville où les librairies ont été remplacées par des marchands de chaussures à 1500€ la paire, une paire pareille à deux lacets entremêlés noués sur un bout de carton ; une ville truffée de policiers, dix fois plus qu'à Marseille et pourtant à peine plus peuplée ; une ville hostile aux « tours » qui pourraient la « défigurer », ville hypocrite qui ne veut pas dire qu'elle est rétive au retour de la multitude, autrement dit de la populace. Non, vraiment, Paris n'est plus une ville populaire. Paris n'est plus une ville. »
Source : lesoir.be